Centre de Conférence Ministériel du MAEDI
Le Comité technique « Foncier et développement » a fêté, cette année, ses vingt ans d’existence. Cet anniversaire a été l’occasion de réunir les membres, ainsi que les partenaires nationaux et internationaux, du Nord comme du Sud, pour une journée privilégiée d’échanges et de débats.
Près d’une centaine de personnes sont venues participer à l’évènement. Parmi eux, des représentants des délégations sénégalaises, burkinabé, maliennes, et malgaches, ainsi que deux institutions de recherche membres du UK Land Policy Forum, ODI et IIED, partenaire du Comité depuis sa création.
La diversité des personnes présentes dans le public (doctorants en droit de l’environnement, représentant d’initiatives internationales telles que le Land Portal, universitaires, représentants du secteur privé, etc.) traduit également l’intérêt du plus grand nombre pour les questions foncières et pour les actions menées par le Comité.
Cette journée a, d’une part, permis de réaffirmer la reconnaissance et le soutien politique apporté au Comité par le MAEDI et l’AFD. D’autre part, elle a permis de montrer les apports concrets de l’accompagnement scientifique et technique du Comité auprès de ses partenaires du Sud. Cet accompagnement a notamment permis de mesurer et répondre aux enjeux cruciaux posés par le foncier dans plusieurs pays.
■ Le Comité, une trajectoire originale
La journée a été introduite par Cyrille Pierre, directeur du développement durable au MAEDI, qui a resitué l’intérêt des actions du Comité dans l’agenda international : explicitement mentionné dans les ODD, ainsi que dans l’Accord de Paris, l’initiative 4 pour 1000 ou encore la conférence Habitat III de Quito, le foncier est aujourd’hui reconnu comme un des éléments clés à prendre en compte dans la définition des stratégies de développement et de gouvernance des territoires.
En cela, la trajectoire du Comité, comme groupe de travail multisectoriel sur le foncier, est intéressante à retracer et riche d’enseignements. Vatche Papazian (AFD) a rappelé que le Comité est né d’une communauté de personnes, désireuse de comprendre les difficultés rencontrées durant la période post-indépendance dans les pays en développement. Cette communauté informelle portait l’idée que les sciences humaines dans le développement étaient indispensables. Dès lors, des groupes de chercheurs (APREFA, APAD) se sont structurés et ont rencontré l’oreille attentive de certains agents de l’Etat. C’est ainsi qu’est né le Comité, véritable innovation dans le paysage de la Coopération des années 1990.
D’autres membres fondateurs sont revenus sur les éléments déclencheurs et les leviers institutionnels qui ont permis la création puis la pérennisation de cet espace (Jean-Pierre Farjon) ; les modalités de travail interne, respectueuses des positionnements de chacun, qui ont permis de faire vivre dans la durée ce groupe pluri-acteurs (Etienne Leroy) ; la nature des savoirs produits par le groupe, qui s’appuie sur un dialogue étroit entre recherche et action (Philippe Lavigne-Delville) ; et la manière dont l’expérience du Comité a inspiré d’autres coopérations, comme la Coopération anglaise (Camilla Toulmin). Enfin, Dominique Lorentz a rappelé la place des professions juridiques au sein du Comité, dont l’intégration plus récente stimule le débat.
■ Les années 2000 et l’appui au processus de réforme
Dans un second temps, la réunion a permis de revenir sur le lancement, à partir des années 2000, des processus de révision des politiques foncières mises en place après les indépendances, dans de nombreux pays d’Afrique. Ces réformes visaient à réduire la fracture existante entre les législations et les pratiques foncières des acteurs. Le Comité et la Coopération française ont accompagné plusieurs de ces processus, en tentant de concilier dialogue politique et appui à des opérations pilotes de terrain.
Cette journée a été l’occasion de faire témoigner les parties prenantes de ces processus : Hubert Ouedraogo (Burkina Faso), Sidi Mohamed Seck (Sénégal) et Daouda Diarra (Mali) ont ainsi dressé le bilan, dans leurs pays respectifs, du partenariat avec le Comité. Il ressort que cette collaboration a permis d’enrichir les réflexions, d’appuyer la création de réseaux d’acteurs et faciliter l’organisation de concertations, favorisant ainsi les échanges, la production de connaissances, et la compréhension partagée des différents enjeux. Cette approche est fondamentale pour produire des politiques foncières articulées avec les autres politiques sectorielles et s’appuyant sur un véritable dialogue national.
Peter Hochet a, quant à lui, présenté les grandes conclusions de l’étude commanditée par l’Initiative Irrigation Sahel (BM, FAO), au Mali, Sénégal, Burkina Faso, Tchad et Niger. Enfin, Amel Benkahla (GRET) a dressé un panorama plus général sur les principales avancées concernant l’implication des différents acteurs issus de la société civile, aux processus de réforme foncière dans leurs pays respectifs et sur les modalités possibles de leur accompagnement par le Comité.
Les débats qui ont suivi ont permis d’identifier de futures pistes de travail, notamment sur les questions du lien foncier-irrigation et sur l’inclusion des organisations de la société civile dans les processus de réforme.
■ Régulation foncière et modèles de développement
Le troisième temps fort de la journée a permis d’aborder la question de la régulation foncière des investissements agricoles, dans un contexte marqué par l’augmentation exponentielle des transactions sur la terre. La société privée Grel (Lionel Barre et Perry Acheampong), productrice de caoutchouc au Ghana, est venue exposer sa méthodologie pour la prise en compte des enjeux fonciers lors du démarrage d’une nouvelle exploitation. Des représentants de la société civile sénégalaise (Mariam Sow d’Enda Pronat, Faliry Boly du Sexagon[1]) ont, quant à eux, mentionné un certain nombre de points d’attention concernant les modalités de travail entre agriculture familiale et agro-business (asymétrie de l’information / transparence des investisseurs, nécessité d’un environnement juridique solide, etc).
Jean Luc François, chef de la division Agriculture, Développement Rural, et Biodiversité à l’AFD, a réaffirmé la nécessité, pour l’agence, de rester engagée sur les questions foncières, et d’accompagner les différents acteurs (opérateurs privés, acteurs publics, et société civile) dans la définition de projets de territoire. Cet engagement doit se traduire sous la forme d’investissements dans les pays d’intervention, pour passer du dialogue à l’expérimentation.
■ Le foncier, un levier pour le développement ?
Enfin, la dernière table ronde a permis d’élargir la réflexion, en interrogeant le foncier comme un levier des politiques de développement. Loin d’être une simple question technique, le foncier interroge en profondeur le rôle de l’Etat, la citoyenneté, les déterminants des recompositions familiales, territoriales et sociales qui sont continuellement à l’œuvre.
Les intervenants ont donc proposé différents éclairages, permettant de connecter la question foncière aux grands défis futurs. En matière de changement climatique, Camilla Toulmin (IIED) a rappelé que face aux incertitudes météorologiques croissantes, et à la montée des chocs, une politique foncière efficace passe par la sécurisation des droits locaux décentralisés, droits qui doivent être flexibles.
Ousmane Sy est revenu sur le processus de décentralisation au Mali, et ses enseignements en terme de gouvernance et de citoyenneté. Ce dernier évoque la nécessité d’apporter des réponses politiques à la diversité des acteurs et des territoires, en allant au-delà d’une décentralisation purement administrative.
Francesca Romano, de la FAO a fait un bilan de la mise en œuvre des Directives Volontaires dans le cadre de la gouvernance responsable des régimes fonciers : il apparaît que les DV sont un moyen privilégié pour dialoguer autour du foncier, par le biais de plateformes multi-acteurs.
Enfin, Jean-Pierre Chauveau a exposé les enjeux fonciers liés aux situations de post conflit. Le nexus complexe qui existe entre foncier et guerres civiles a beaucoup évolué ces dernières années, et pose de multiples questions. Une des hypothèses qui ressort des études empiriques sur le sujet, est que les politiques de développement, légitimées et formulées au nom du post-conflit, participent à des nouvelles formes d’accumulation, qui peuvent être porteuses de nouvelles exclusions et donc risquent de déboucher sur des nouveaux cycles de conflictualité
■ Conclusion et pistes de travail
Suite au nouveau transfert de la compétence « Gouvernance » du MAEDI à l’AFD, André Pouilles-Duplaix, directeur du département des Appuis transversaux à l’AFD, a évoqué les pistes potentielles de travail de l’Agence concernant la question foncière. Il a notamment pu réaffirmer que l’engagement de l’Agence sur ce sujet est source de satisfaction, qu’il doit être poursuivi et même amplifié.
Harison Randriarimanana, grand témoin de la journée et conseiller spécial du Président de la République en charge des Affaires économiques, est ensuite revenu sur le processus de réforme foncière à Madagascar, lancé en 2005, appuyé par les PTF, fortement ralenti depuis 2009 suite aux crises politiques successives, mais qui a commencé à produire des résultats dans les communes pilotes disposant de guichets fonciers.
Enfin, Gautier Mignot, directeur général adjoint de la Mondialisation, de la Culture, de l’Enseignement et du développement international au MAEDI, a clos la journée en rappelant que la révision du dispositif de coopération va permettre à l’AFD d’avoir davantage de moyens pour réfléchir et agir sur les questions foncières. Cette réforme est donc bienvenue pour pérenniser le Comité, et se donner les moyens d’apporter des réponses aux grands défis de demain (communs, jeunesse, genre, migrations, gestion durable des ressources naturelles, etc). Cette intervention réaffirme également l’engagement fort du MAEDI auprès du Comité foncier.
Le programme complet de la journée est à consulter ici. La conférence, filmée et enregistrée, donnera lieu à une publication début 2017.
[1] Syndicat des exploitants de l’Office du Niger (Mali)
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