(Agence Ecofin) – C’est une annonce aux allures de coup de tonnerre dans un environnement où les multinationales sont habituées à une relative impunité. La Procureure générale de la Cour pénale internationale Fatou Bensouda (photo) a affirmé jeudi dans un document de politique générale sur « la sélection et la hiérarchisation des affaires » que les destructions de l’environnement et les accaparements de terres seront désormais traités comme des crimes contre l’humanité.
« Mon bureau s’intéressera particulièrement aux crimes impliquant ou entraînant des ravages écologiques, l’exploitation illicite de ressources naturelles ou l’expropriation illicite de terrains », précise t-elle dans le document. « Il ne s’agit pas d’ajouter de nouveaux crimes à ceux déjà listés dans le traité fondateur de la CPI, le Statut de Rome. Ce que nous reconnaissons, c’est une nouvelle emphase sur ces crimes. Cette décision transforme la CPI en véritable tribunal international du 21e siècle. Elle envoie un message puissant qui pourrait être entendu par les aspirants coupables », a expliqué Helen Brady, du bureau du procureur, à l’AFP.
Si cette décision peut paraître surprenante, elle rencontre l’agrément de nombre d’organisations de défense de l’environnement et des droits des populations autochtones. « L’accaparement des terres n’est pas moins dommageable que la guerre en termes d’impacts négatifs sur les populations civiles. L’annonce de la Cour pénale internationale devrait constituer un signal aux dirigeants d’entreprise et aux investisseurs qu’ils ne peuvent plus considérer l’environnement comme un terrain de chasse », s’est ainsi réjouie Alice Harrison de l’ONG Global Witness auprès de L’Express.
Quant à la directrice de l’ONG, Gillian Caldwell, elle estime que cette annonce aura au moins le mérite de la dissuasion. « La décision de la procureure montre que l’époque de l’impunité est terminée. Les présidents-généraux et les politiciens complices des accaparements violents de terres, de la destruction des forêts tropicales ou de l’empoisonnement de sources d’eau potable pourraient se retrouver à La Haye, en compagnie de criminels de guerre et de dictateurs », analyse t-elle.
Souvent tancée de partialité et d’inefficacité, la juridiction basée à La Haye, qui n’a jusque là poursuivi que des responsables (majoritairement africains) de génocides et de crimes de guerre, compte donc redorer son blason sur l’autel de la cause environnementale.
Des avocats ont déjà envoyé un dossier au procureur pour lui demander d’enquêter sur les cessions foncières au Cambodge.
Souha Touré
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