Le 22 Mai dernier, le CTFD a reçu Michèle Oriol, secrétaire exécutive du Comité Interministériel d’Aménagement du Territoire (CIAT), à l’occasion d’une journée de réflexion visant à faire un état des lieux de l’élaboration et de la mise en œuvre de la politique foncière en Haïti. Pour ce faire, les résultats de plusieurs programmes fonciers ont été présentés et discutés, en particulier le programme « sécurisation foncière et cadastre » financé par la France.
Cette réforme, initiée au lendemain du séisme de 2010, par le gouvernement haïtien à travers le CIAT et avec l’appui de ses partenaires techniques et financiers dont la France, a pour objectif une révision globale des cadres régissant le foncier. Elle s’organise en 2 composantes : (i) l’actualisation et la mise en cohérence des principaux textes de lois régissant le foncier (ii) l’expérimentation d’une méthode pour la réalisation de Plans Foncier de Base (PFB), sur plusieurs zones pilotes.
Pour débattre du bilan des activités de la réforme, Michèle Oriol a d’abord présenté l’état d’avancement de la politique de sécurisation foncière, et les enseignements tirés des activités menés dans le cadre des programmes qui la composent, depuis 2010. Alain Rochegude et Véronique Dorner (Université Paris 1 – la Sorbonne) ont ensuite partagé leur analyse des enjeux, défis et points d’achoppement de la gestion foncière en Haïti à partir de travaux et enquêtes menés dans le cadre des mêmes programmes.
La deuxième partie de la journée a permis de revenir en détail sur les étapes de réalisation du Plan Foncier de Base dans la commune de Sainte Suzanne (département du Nord-Est), conduites par le cabinet GEOFIT Conseil, et présentées en salle par Jean-Philippe Lestang. Enfin, Pierre Clergeot (FIEF), Gilles Berteau (DGFIP), Dominique Lorentz (CSN) et Daniel Giltard, ont rendu compte des travaux qu’ils ont réalisés, dans le cadre des deux projets, pour le compte et à la demande du CIAT, de mise en cohérence du cadre législatif et réglementaire haïtien concernant les institutions impliquées dans le foncier.
Les discussions ont permis d’identifier plusieurs enseignements :
1/ s’il existe, en Haïti, un fort attachement à la propriété privé et au titre foncier, la nécessité de recourir à un notaire pour assurer sa sécurité foncière n’est pas toujours envisagée. Cette situation est plus spécifique aux zones rurales, où le procès-verbal d’arpentage a une valeur de titre de propriété alors qu’en milieu urbain, le recours à l’acte notarié est toujours envisagé à la suite du document d’arpentage. Dans cette perspective, le PV d’arpentage a été privilégié par les habitants, sur les territoires pilotes, car il répond avant tout à un besoin de clarification des limites, sans supporter la longueur de la procédure, ainsi que les coûts induits par la délivrance des autres actes prévues par la loi haïtienne
2/ Ensuite, des efforts importants restent à fournir pour couvrir les besoins en formation des différents acteurs intervenant dans la chaîne foncière, en particulier les agents de la Direction Général des Impôts et les arpenteurs ;
3/ Enfin, l’établissement de relations de confiance avec les populations est un travail absolument indispensable à mener dans le cadre des opérations de terrain. Les informations foncières collectées sur le terrain doivent faire l’objet d’une validation communautaire ;
Pour la suite des travaux, avec le lancement de nouveaux cycles de financement (France, BID) auprès du gouvernement haïtien d’ici à la fin de l’année 2017, plusieurs défis devront être relevés :
1/ Les terres en indivision, celles dont les propriétaires sont absents, ainsi que les terres de l’Etat, sont trois situations caractéristiques de la structure foncière haïtienne, qui posent toute une série de questions et sont sources de conflits latents ou réels sur le terrain. Elles devront faire l’objet d’une attention particulière dans les programmes à venir ;
2/ Concernant la réforme institutionnelle, l’enjeu réside essentiellement dans l’adoption des projets de lois aujourd’hui disponibles et leur mise à jour éventuelle au regard des décisions qui seront prises pour réguler les terres indivises et domaniales. L’architecture institutionnelle et les outils permettant de faire appliquer ces nouveaux textes restent également à définir.
3/ Enfin, la prise en compte des usages, pour sécuriser ceux qui exploitent dans les faits les terres et leur garantir la sécurité suffisante dont ils ont besoin pour les exploiter paisiblement, semble prioritaire pour la suite. Car plus que les conflits, c’est l’usage non durable des terres et des ressources qu’elles portent, qui constitue aujourd’hui, la principale contrainte au développement du pays.
L’AFD apportera son appui au Gouvernement haïtien pour l’aider à relever ces défis, grâce à la mise en place d’un Fond d’Etude et d’Expertise sortie de crise (FEESC) dans les prochains mois, en attendant de pouvoir instruire un projet de plus grande envergure dans le cadre de l’AFD à compter de 2018. Une note de synthèse analytique, issue des échanges de la réunion, sera prochainement disponible sur le portail, dans la rubrique « Publications du Comité » : www.foncier-developpement.fr/collection/notes-de-synthese/
Dans la continuité de la journée Haïti, le CTFD a organisé, en juin dernier, une réunion autour des enjeux de la sécurisation de l’accès au sol et à l’habitat dans les villes du Sud. Cette réunion a permis de mettre en lumière la complexité des systèmes fonciers locaux en milieu urbain ; le poids et le rôle de la privatisation des filières d’accès au sol et du marché dans l’éviction des populations à la périphérie des villes ; mais aussi et surtout, la nécessité de repenser et renouveler les pratiques d’intégration des quartiers précaires, notamment en matière de formalisation des droits fonciers. Les présentations et débats tenus feront également l’objet d’une note de synthèse prochainement disponible.
Enfin, la rentrée de septembre du CTFD est marqué par le lancement d’un nouveau chantier collectif « structures agraires et accès des jeunes à la terre dans les pays du Sud ». Le chantier mobilisera l’expertise des membres du réseau, afin de mieux comprendre comment le foncier peut constituer une condition déterminante d’entrée des jeunes ruraux dans l’agriculture. Il sera rythmé par une série de rencontres et travaux, qui s’étaleront jusqu’en 2018. Une première rencontre sera organisée à la mi-octobre pour discuter de la méthodologie proposée et préciser les études de cas qui alimenteront les travaux et les débats.
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