Le programme S2IP – Sahel Irrigation Initiative Programme – financé par la Banque Mondiale se pose comme objectif d’atteindre une surface irriguée d’un million d’hectares d’ici 2020, dans 6 pays du Sahel – Mauritanie, Sénégal, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad. C’est dans ce cadre que l’AFD soutient actuellement une étude sur les enjeux de la sécurisation du foncier irrigué dans les 6 pays. Afin d’enrichir les analyses des experts associés à cette étude, l’Atelier Régional Foncier s’est tenu à Bamako les 8 et 9 juin 2015, en amont de la 4ème réunion de la Task Force du S2IP.
L’atelier a réuni des représentants de la Banque Mondiale, de la BAD, de la CEDEAO, de l’AFD et du CILSS – Comité permanent Inter-Etats de Lutte contre la Sécheresse dans le Sahel – de nombreux consultants, des responsables des sociétés d’aménagement et des organisations de producteurs ouest-africaines, ainsi qu’une petite délégation du COSTEA – Comité Scientifique et Technique sur l’Eau Agricole – hébergé par l’AFD.
Une bonne partie des discussions a porté sur l’idée forte du rapport intermédiaire de l’étude sur la problématique de l’accès au foncier irrigué et sa sécurisation : « en Afrique de l’Ouest, si les périmètres irrigués fonctionnent malgré leurs carences, ce n’est pas en raison de leurs propriétés formelles mais grâce aux arrangements informels des exploitants et des agences de gestion ». Dans ce sens, tous les participants ont confirmé la place centrale occupée, dans la pratique, par les modes d’accès informels au foncier irrigué, que ce soit dans les pays où les droits locaux sont reconnus par les textes (Mali, Niger, Burkina Tchad) ou dans ceux où ils ne le sont pas (Mauritanie, Sénégal). Cependant, que cette réalité soit souhaitable pour que les périmètres fonctionnent et contribuent à atteindre les objectifs de développement pour lesquels ils sont conçus est une question plus controversée. Ainsi, pour certains, le « changement de paradigme » nécessaire pour relancer l’agriculture irriguée dans la région ne passe pas par « officialiser les arrangements fonciers informels ». En effet, ces pratiques englobent des situations très diverses, certaines renforçant la résilience des systèmes de production paysans, mais d’autres contribuant à augmenter l’insécurité foncière d’une partie des usagers.
L’étude doit aboutir avec la mise au point d’une grille d’analyse ex ante « posant les principes relatifs au foncier pour qu’un projet d’irrigation soit viable juridiquement, socialement et économiquement. » et qui s’inspire du « Guide d’analyse ex ante de projets d’investissements agricoles à emprise foncière » élaboré par les membres du Comité Technique « Foncier et Développement ». Les différentes dimensions abordées par cette grille ont été discutées en groupes et en plénière. Les participants ont demandé que certaines notions soient définies avec plus de détails. Ainsi, bien que la grille propose à juste titre que « le rapport coût-avantage du projet [soit] optimal et démontré rigoureusement » – il a été demandé que les indicateurs, les méthodes et les hypothèses sur lesquels l’évaluation économique doit reposer soient mieux précisées, faute de quoi de nombreux projets continueront d’échouer malgré des études de faisabilité favorables. De même, les projets doivent bien refléter les besoins des bénéficiaires tout en veillant à ce que le rôle et les responsabilités de chacun soient informés, définis et compris par tous. Les participants ont apprécié l’insistance accordée à la concertation qui doit présider à la formulation et à la mise en œuvre des projets. Dans ce sens, c’est aussi de manière concertée et participative que devrait être démontrée « l’utilité publique » qui justifie les expropriations nécessaires à l’établissement de nouveaux périmètres.
Le rapport final de l’étude sera présenté dans les semaines qui viennent. Le Plan d’Action Global et le Document de Projet Régional du programme S2IP est censé s’imprégner de ses résultats.
Note rédigée par Samir EL OUAAMARI (aGter), co-animateur du groupe « Foncier irrigué » du COSTEA
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