Une coalition de 250 organisations, l’Internationale Land Coalition, tire la sonnette d’alarme sur l’inégalité foncière dans le domaine de l’agriculture au travers d’un rapport publié le 24 novembre. Selon ce rapport 1% des exploitants s’occuperaient de 70% des terres agricoles. Une telle concentration a des conséquences environnementales, sociétales et politiques graves selon les auteurs du texte.
L’étude de l’Internationale Land Coalition met en avant des inégalités sous-estimées
Depuis années 80, les chercheurs ont constaté une concentration du contrôle des terres avec la libéralisation des marchés et la financiarisation des entreprises de l’agroalimentaire. Le monde agricole se polarise de plus en plus entre les gros exploitants, les grands propriétaires fonciers, et les petits producteurs, souvent familiaux, même si des interactions existent entre les deux mondes.
Un groupe de membres de l’Internationale Land Coalition, parmi lesquels l’ONG Oxfam, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (cirad), ou encore l’université de Bern ont mené une étude dans 17 pays pour estimer l’importance de l’inégalité foncière dans le domaine de l’agriculture.
L’étude exploite la littérature connue sur le sujet, des données préexistantes comme le coefficient de Gini relatif à la répartition des terres (enquêtes sur la propriété et la superficie des exploitations). Les données ont été complétées en prenant en compte certains critères ignorés comme les propriétés foncières multiples, le contrôle effectif des terres, les personnes sans-terre.
Le résultat est sans appel, les inégalités foncières s’aggravent. En prenant en compte les sans-terre, la nouvelle méthodologie montre que les inégalités foncières rurales ont même été sous-estimées de 41%. Le nombre d’exploitations agricoles est estimé à 608 millions dans le monde : 80% sont de petites exploitations de moins de deux hectares, exclues des chaînes alimentaires mondiales. 1% des exploitations les plus importantes exploitent 70% des terres agricoles de la planète.
Selon le rapport ces inégalités foncières entrainent des inégalités économiques, avec une précarisation des ouvriers agricoles et une hausse du chômage dû aux économies d’échelles des grandes exploitations. Dans les pays en développement, en Asie et en Afrique où les niveaux de petites exploitations sont les plus élevés, le modèle des grandes exploitations dirigées par les élites des pays pourrait également être à l’origine d’affaiblissements démocratiques.
Les conséquences pour l’environnement de l’inégalité foncière
De son côté le changement climatique est une des causes de l’inégalité foncière en réduisant la productivité agricole de certaines régions du monde. Les grandes exploitations pourraient également favoriser le changement climatique comme l’explique Ward Anseeuw, spécialiste technique principal de l’International Land Coalition interrogé par le Guardian, « La concentration de la propriété et du contrôle entraine une plus grande poussée des monocultures et une agriculture plus intensive, car les fonds d’investissement ont tendance à travailler sur des cycles de dix ans pour générer des rendements ». Des pratiques qui à terme appauvrissent les sols, une conclusion partagée par l’ONU en 2019.
À l’inverse, Ward Anseeuw loue les petits exploitants agricoles, agriculteurs familiaux, etc., « Ils sont beaucoup plus prudents et, à long terme, ils produisent plus par unité de surface et détruisent moins ».
Pour remédier à ces inégalités foncières déjà très élevées en Amérique latine et qui se creusent en Afrique et Asie, le rapport propose plusieurs pistes de réflexion : des mesures à long terme avec programmes de redistribution, des réformes réglementaires, des mesures fiscales et des mesures de redevabilité, en lien avec la terre, mais également dans l’ensemble du secteur agroalimentaire. Un changement de paradigme ambitieux « mais pas impossible » selon le rapport de l’Internationale Land Coalition. Pourtant l’enjeu est de taille, maintenir la production agricole pour nourrir une population humaine qui pourrait approcher les 10 milliards d’individus en 2050, tout en préservant les sols pour pouvoir… maintenir la production agricole.
Source : Siecle digital via le Land portal
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