Une réunion technique de la plateforme multi-acteurs sur le foncier pour faire le point sur les processus de réforme en cours
Une réunion technique avec les membres du comité Technique de la plateforme multi-acteurs sur le foncier s’est tenue à Conakry le 17 septembre 2024 à l’hôtel ONOMO avec la participation de 35 acteurs membres du comité technique issus des services techniques déconcentrés, des Organisations Paysannes Agricoles (OPA), des Organisations de la Société Civile. La présidence a été assurée par Madame la Directrice Nationale du foncier rural.
Après un bref rappel du processus des reformes foncières en cours en République de Guinée et des objectifs de la rencontre, la cérémonie de lancement a donné la parole aux officiels présents : La Directrice Nationale du Foncier Rural et de la Protection du Patrimoine, le Représentant de la FAO, le Directeur Pays de ACORD-Guinée et le coordinateur du Collectif des organisations de la société civile pour la défense des droits des communautés impactées par les projets de développement (CODEC).
Des processus de réforme engagés en parallèle
Le gouvernement guinéen a initié au début des années 2010 une ambitieuse réforme foncière à deux volets. Le premier volet de la réforme porte sur la réorganisation du foncier agricole, c’est-à-dire la gestion des terres destinées aux activités Agricoles, à savoir la production végétale, la production animale sédentaire, la sylviculture et la production halieutique continentale. Ce volet est piloté par le Ministère de l’Agriculture et de l’Élevage (MAGEL) et devrait aboutir à une Politique Foncière Agricole (PFA) ainsi qu’à une Loi Foncière Agricole (LFA) selon la feuille de route élaborée par le MAGEL.
Le second volet de la réforme foncière concerne l’élaboration de la Politique Foncière Nationale (PFN), ainsi que la révision du code foncier et domanial (CFD) de 1992. La PFN concerne tous les autres usages du foncier et est élaborée en cohérence et de façon complémentaire avec la PFA. Elle devait également résulter d’un processus participatif associant tous les acteurs, du niveau local au niveau national, afin de leur permettre d’exprimer leurs préoccupations et leurs propositions pour l’amélioration de la gouvernance foncière en Guinée.
Ces deux réformes, bien que complémentaires, avancent à des rythmes différents et suscitent des réactions variées de la part des parties prenantes.
Un processus très inclusif de concertation sur la Politique Foncière Agricole
Depuis 2021, le processus d’élaboration de la PFA a été marqué par une mobilisation sans précédent des parties prenantes. La Direction du Foncier Rural, grâce à un financement de l’AFD, a mené une série d’activités préparatoires, parmi lesquelles :
- La capitalisation de 37 expériences portant sur la gestion des terres agricoles, issues de projets de développement, d’initiatives d’OPA et d’OSC.
- Une étude approfondie sur les types de propriétés, les transactions foncières et les pratiques de sécurisation.
- La formation de 150 acteurs issus de divers secteurs, notamment la société civile et les organisations de défense des droits fonciers des femmes;
- L’élaboration d’un document qui présente l’état des lieux de la situation foncière Agricole en Guinée.
Sur cette base, un vaste processus de dialogue multi-acteurs a été mis en œuvre depuis la fin de l’année 2023 à travers l’organisation de 21 ateliers de concertation, combinant des ateliers par groupe d’acteurs et des ateliers thématiques multi-acteurs. La PFA ainsi élaborée traduit les consensus qui se sont dégagés lors de ces concertations largement participatives et inclusives, comptabilisant plus de 800 participants issus de 22 groupes d’acteurs.
Un processus itératif a été suivi pour élaborer l’avant-projet de politique foncière agricole (PFA) :
- Elaboration de la note de cadrage méthodologique avec les principaux groupes d’acteurs ;
- Organisation de 11 ateliers nationaux de concertation : partage de l’état des lieux et identification des principales thématiques ;
- Élaboration du draft 1 de la PFA sur la base des consensus obtenus ;
- Organisation de 10 ateliers nationaux de concertation pour amender le draft 1 de la PFA.
Il est prévu de boucler le processus avec l’élaboration du draft 2 de la PFA et la tenue d’un atelier final de validation technique. Les principaux points de consensus issus des concertations concernent particulièrement les éléments suivants :
- La reconnaissance de tous les droits fonciers et toutes les transactions foncières agricoles légitimes, qu’ils soient individuels ou collectifs ;
- Leur sécurisation pleine et entière à travers un système (i) décentralisé (communes, districts / quartiers), (ii) impliquant une participation citoyenne (commissions foncières locales).
Un processus simultané plus controversé d’élaboration de la PFN
Au cours de la même année 2023, le MUHAT à travers l’appui financier de la FAO et du Fonds de consolidation de la paix (PBF) a engagé deux consultants pour l’élaboration de la politique foncière nationale (PFN). Au cours du processus plusieurs activités ont été réalisées :
- Organisation d’un atelier de cadrage avec les membres de la plateforme multi-acteurs autour des axes d’orientions de la Politique Foncière Nationale. A l’issue de cet atelier un consensus s’est dégagé sur la vision, l’objectif, les rôles et responsabilités des acteurs et la feuille de route de l’élaboration de la PFN a été validée ;
- Capitalisation des travaux existants (Etats Généraux du Foncier, études menées par le MUHAT, etc.) afin de proposer les grandes orientations de la PFN;
- Organisation de quatre ateliers régionaux : ces ateliers ont permis aux acteurs régionaux d’échanger sur les études menées et capitalisées pour enrichir les thématiques/axes d’orientions de la PFN;
- Elaboration de l’avant-projet de la politique foncière nationale.
Lors de la rencontre, les membres de la plateforme multi-acteurs ont procédé à plusieurs observations qui portent essentiellement sur des faiblesses méthodologiques aussi bien dans le contenu de l’avant-projet de PFN, que dans son processus d’élaboration : faible niveau de concertation des acteurs à la base, absence d’inclusivité du processus, absence de restitution des résultats de concertation aux participants, absence de partage du draft de PFN avec les acteurs de la plateforme multi-acteurs, absence de diagnostic solide partagé, articles parfois redondants voire contradictoires avec certaines dispositions de la PFA.
Les participants ont formulé des recommandations pour que la PFN donne un cadre global explicitant les différents régimes juridiques et leur domaine d’application et distingue plus précisément les concepts de foncier rural, urbain, péri-urbain, afin qu’une même acceptation en soit faite par les deux politiques (PFN, PFA) de commun accord.
La mise en place d’une nouvelle commission qui pose question
À la lumière de cette étude comparative, il est ressorti que la création récente de la Commission Nationale de réforme foncière et de l’habitat (CONAREFH) en mai 2024 est de nature à remettre en cause les acquis et les efforts déjà consentis par la plateforme multi-acteurs et risque d’affaiblir la mission et l’élan stratégique de cet organe qui tire sa légitimité des Etats Généraux du Foncier (EGF). Des recommandations ont été formulées pour échanger avec le Ministre de l’Urbanisme, habitat, aménagement du territoire et chargé de la récupération des domaines spoliés de l’État pour obtenir une audience et lui partager les préoccupations soulevées par les membres de la plateforme.
Alors que la Guinée s’efforce de réviser le cadre juridique de sa gouvernance foncière, ces initiatives montrent l’importance de garantir une concertation inclusive et une cohérence entre les politiques adoptées. La réussite de ces réformes dépendra de la capacité des acteurs à maintenir un dialogue ouvert, condition essentielle pour répondre aux multiples défis du foncier.
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