Le Collectif TANY et son partenaire CODE Menabe ont conduit durant l’année 2023, avec l’appui du Comité technique « Foncier & Développement », une étude intitulée « Evaluation de la relation entre l’insécurité alimentaire et le foncier dans la région Atsimo Atsinanana », qui a permis de collecter des données provenant d’un échantillon de plus de 3500 ménages, dirigés par des hommes ou des femmes, choisis de manière aléatoire dans 50 fokontany issus de 10 communes des districts de Farafangana et Vangaindrano dans le Sud-Est de l’île. Il s’agissait de mettre à la disposition des organisations de la société civile, des autorités régionales et nationales, des informations qualitatives et quantitatives sur la sécurité alimentaire en lien avec le foncier, leur permettant d’orienter et de prioriser les décisions en matière de lutte contre l’insécurité alimentaire dans la région Atsimo Atsinanana.
Douze binômes, composés d’hommes et de femmes, constitués par un enquêteur originaire de communes de la région impliquées dans l’étude et d’un enquêteur expérimenté de l’ONG CODE Menabe, ont interrogé les chefs de ménage à partir d’un questionnaire. La participation de la Plateforme régionale des organisations de la société civile de la région Atsimo-Atsignane s’est manifestée à différents niveaux, notamment par l’engagement permanent d’un superviseur par district et du coordinateur régional, par les restitutions des résultats au niveau communal à la fin de la phase de recueil d’informations, par l’information des autorités à tous les niveaux et par l’organisation de rencontres de l’équipe CODE Menabe avec différentes responsables des services techniques décentralisés.
Les données recueillies mettent en évidence que l’insécurité alimentaire est largement répandue dans les 10 communes, et se manifeste, pour la moitié des ménages enquêtés, par la survenue d’absence de nourriture 3 à 10 fois dans les 30 derniers jours. Parmi les différentes stratégies mises en œuvre face à l’insécurité alimentaire, la consommation de plantes habituellement non comestibles est majoritairement adoptée, ce qui montre la grande détresse de la population. Concernant le foncier et l’agriculture, 54% des ménages du district de Farafangna ne possèdent pas de terres contre 35% dans le district de Vangaindrano ; sur l’ensemble des deux districts 99% des ménages qui possèdent des parcelles cultivent. Les ménages qui ne cultivent pas déclarent souhaiter le faire, mais ne peuvent acheter de terrains, faute de moyens. Les femmes et les jeunes, surtout, ont exprimé le souhait de disposer de terrains à cultiver. Par ailleurs, 98% des ménages qui cultivent souhaitent augmenter la surface de leur exploitation.
55% des ménages de l’échantillon sont dirigés par une femme. La proportion de femmes chefs de ménage est faible dans la sous-population des ménages qui possèdent des terrains, plus forte dans la sous-population qui ne possède pas de terre. Le non-respect des droits des femmes, qui n’ont pas le droit d’hériter des terres familiales selon les pratiques répandues dans toutes les communes, les rendent très vulnérables, alors que la législation nationale stipule la non-discrimination du genre. Avec des disparités constatées par commune, la surface moyenne des exploitations des ménages est de 21 ares. Cette superficie vraiment réduite soulève diverses questions, en particulier ses effets sur l’insécurité alimentaire. En effet, le nombre moyen de personnes par ménage est de 5, le médian de 10 et jusqu’à 20 dans certains cas. Outre la surface réduite des exploitations, l’insuffisance d’intrants, de formation aux techniques agricoles et de matériel a été mentionnée par l’ensemble des ménages comme obstacle à l’augmentation du rendement agricole, mais la mauvaise qualité des sols, les intempéries et la maîtrise de l’eau ont aussi été évoquées.
Selon l’indice de mesure de gravité de l’insécurité alimentaire créé pour l’étude, la possession d’une parcelle améliore la situation des ménages, même si l’effet n’est pas phénoménal, probablement à cause de la taille trop réduite des parcelles. En revanche, le fait de cultiver, même de petites parcelles, permet de ne pas tomber dans une situation catastrophique. L’étude n’a cependant pas permis de différencier les effets des différents types de faire-valoir indirect. L’élevage, notamment bovin, assez rarement pratiqué dans les communes, s’est avéré un facteur limitant l’insécurité alimentaire, car les zébus participent aux travaux des champs et c’est la viande souvent consommée lors d’événements. En revanche, les activités rémunératrices autres que l’agriculture et l’élevage, se sont avérées non déterminantes sur le niveau d’insécurité alimentaire. À situation égale par rapport à la situation foncière, les ménages dirigés par des femmes ont un indice légèrement meilleur que ceux dirigés par des hommes. Mais les femmes restent plus vulnérables. En effet, plus de la moitié des ménages est dirigée par des femmes, alors que très peu d’entre elles possèdent des terres.
Les pistes d’actions proposées pour la poursuite du travail portent sur un plaidoyer pour l’accès à la terre et renforcement de la sécurité foncière et alimentaire à Madagascar dont les principaux volets seront :
- l’attribution collective ou individuelle de terrains agricoles aux groupes vulnérables, notamment les femmes et les jeunes ;
- le développement de la production agricole et des activités génératrices de revenus.
Cette étude a fait l’objet d’une restitution au niveau national, à Antananarivo au mois de septembre 2023, où une version provisoire du présent rapport a été diffusée aux personnes invitées présentes : un représentant du Ministère en charge du Foncier, plusieurs responsables de projets de développement, d’organisations de la société civile, chercheurs, un partenaire technique et financier, quelques représentants des habitants de la région Atsimo Atsinanana (Directeur régional de l’Aménagement du Territoire, adjoint au Maire, autorités traditionnelles, responsables d’organisations de femmes).
Une autre restitution a été organisée au niveau régional à Farafangana en décembre 2023 pour présenter un résumé des résultats de l’étude ainsi que les actions envisagées dans le cadre d’un futur plaidoyer pour améliorer l’accès à la terre et renforcer la sécurité alimentaire et foncière. Les autorités administratives de la région et des collectivités décentralisées, les représentants des services techniques régionaux, des autorités traditionnelles et des organisations de la société civile, venus nombreux, ont validé les propositions et exprimé des opinions et suggestions complémentaires. Deux documents imprimés en malgache contenant l’un le résumé des résultats de l’étude, l’autre les actions envisagées dans le futur, ont été distribuées à l’assistance. Cet évènement a aussi été relayé par les médias.
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