Le sociologue Olivier Peyroux, cofondateur de l’association Trajectoires, travaille depuis plusieurs années sur une étude, commandée par Caritas Maroc et Caritas France, pour comprendre les spécificités de la migration guinéenne.
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RFI : Comment le candidat à l’immigration peut–il trouver les fonds nécessaires pour financer son voyage ?
C’est un petit peu notre hypothèse de travail. Dans d’autres pays, en général c’est la diaspora qui se cotise et qui aide la personne à rejoindre l’Europe. Or, la diaspora guinéenne en Europe, peut-être à l’exception de la Belgique, reste très limitée en nombre et donc, comme on a pu le vérifier par des entretiens, une grande partie des jeunes n’ont pas des membres de leur famille et encore moins des « sponsors », installés à l’étranger qui les aideraient à financer leur voyage. Donc se pose la question : comment font-ils pour rassembler cette somme, sachant que la Guinée reste un pays où la richesse est très mal répartie, avec une grande partie de la population – 55% d’après la Banque Mondiale – sous le seuil de pauvreté ?
Il est donc difficile de comprendre comment les personnes sont en capacité de rassembler cet argent. On s’est aperçus qu’il y avait des systèmes d’héritage. C’est souvent au moment d’un décès que les jeunes prennent la route parce qu’ils ont les moyens d’emprunter aux autres membres de la famille lors du décès et du partage des richesses de la personne défunte. Mais, en cours de route, des frais supplémentaires qu’ils n’avaient pas prévus viennent se rajouter et souvent, les Guinéens vont demander à leur famille d’emprunter de l’argent à des prêteurs. La spécificité guinéenne, c’est qu’on trouve davantage de prêteurs que dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest pour une raison qui est assez facile à comprendre au regard du développement actuel de la Guinée. Depuis 2016, les investissements étrangers sont très importants, notamment autour des mines, puisque la Guinée au niveau du sol et du sous-sols possède des richesses très importantes : un tiers des réserves mondiales de bauxite, des mines de zinc, de diamants, d’or et de nombreux autres minéraux. Ces ressources suscitent des convoitises et ont développé toutes sortes d’intermédiaires qui espèrent revendre un terrain et qui pratiquent différentes formes d’expropriations. On trouve beaucoup plus facilement en Guinée des personnes qui sont prêtes à financer cette migration en donnant un crédit. Le véritable piège, c’est que ce ne se sont pas des crédits réalisés par des usuriers classiques qui cherchent à récupérer un taux d’intérêts très élevé. L’objectif de ces crédits, c’est que les personnes ne soient pas en capacité de les rembourser pour que les prêteurs récupèrent la terre, parfois des troupeaux, mais surtout des terres puisque ce sont surtout ces terrains qui sont convoités. Car une fois que le terrain est récupéré, l’intermédiaire va pouvoir revendre parfois dix fois le prix à des compagnies ou à d’autres entreprises surtout étrangères.
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Source : RFI
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