En 2013, lors de l’adoption de la déclaration de N’Djamena et de la déclaration de Nouakchott, les Etats affirmaient leur engagement à soutenir fortement le pastoralisme, un secteur d’activité trop longtemps délaissé, alors qu’il représente un enjeu stratégique pour le développement économique et social de la région. Il s’agissait de placer l’élevage pastoral au cœur des stratégies de stabilisation et de développement, à travers la définition et la mise en œuvre de politiques d’amélioration de la gouvernance, de renforcement de la résilience et d’amélioration de la viabilité économique et sociale des systèmes d’activités des espaces Saharo-Sahéliens. La déclaration de Nouakchott visait même à accroître le produit brut des activités d’élevage d’au moins 30% dans les 6 pays sahéliens concernés au cours des cinq prochaines années, en vue d’augmenter significativement les revenus des pasteurs sous un horizon de 10 ans.
Lors du forum de Haut-niveau Nouakchott+10 organisé du 6 au 8 novembre 2024 avec le CILSS, l’UEMOA et la CEDEAO, plus de 200 participants venus de toute la région se sont réunis, sous le haut-patronage du Secrétaire Général du Gouvernement de la République islamique de Mauritanie et en présence de Ministres de l’Elevage et de l’Agriculture de plusieurs pays pour dresser un bilan partagé de la décennie écoulée et identifier des perspectives d’avenir. Cet évènement a été préparé par le CILSS avec l’appui d’un comité scientifique coordonné par l’Iram et le Cirad.
Mme Amel BENKAHLA, responsable de l’animation scientifique du Comité Technique « Foncier et Développement » a animé une table-ronde afin de croiser les regards de différents groupes d’acteurs sur le bilan posé, 10 ans après ces déclarations, sur les acquis enregistrés, les insuffisances observées et les défis majeurs qui restent à relever.
Ce panel était constitué de représentants de l’Etat, d’organisations inter-gouvernementales, de structures d’appui et d’organisations professionnelles. Il a regroupé :
- Idrissa DIARRA, Ministère de l’élevage, Mauritanie
- Dr Dagnogo KOMISSIRI, Ministère de l’élevage, Côte d’Ivoire
- Mr Haroun MOUSSA, Présidence de la République, Tchad
- Mr Sylvain OUEDRAOGO, CILSS
- Mr Alain SY TRAORÉ, CEDEAO
- AL FAROUK, Organisation Mondiale de la Santé Animale
- Mme Safiatou Baldé LOUM, CERFLA/CRAFS
- Mr Issaka SAWADOGO, COFENABVI
- Mr Boureima DODO, Réseau Billital Maroobe
Les panélistes ont mis l’accent sur les importants acquis observés depuis 10 ans, notamment du point de vue de la reconnaissance politique du pastoralisme et en matière législative avec la sécurisation juridique du droit à la mobilité qui a été inscrit dans de nouveaux textes relatifs à la transhumance et au pastoralisme (notamment au Sénégal et en Côte d’Ivoire). De nombreux comités de transhumance ont aussi été mis en place aux différents niveaux, ce qui a permis de faciliter la circulation du bétail. Enfin, les panélistes ont salué le déploiement de projets et programmes qui ont permis de réaliser de nombreuses infrastructures et d’accompagner le développement économique des territoires ruraux.
Mais des contraintes fortes liées au déficit d’application des textes, aux entraves à la mobilité, à la disparition progressive du foncier pastoral, à l’insécurité, ont aussi été soulignées car elles représentent des menaces majeures pour la survie du pastoralisme et l’avenir des communautés pastorales.
Oussouby TOURE, expert FAO et membre du Comité Foncier, a été désigné comme rapporteur de la table-ronde et a conclu celle-ci par une synthèse des principaux défis mis en exergue par les panélistes. Ceux-ci ont souligné l’importance d’affiner la réflexion sur les défis afin de disposer d’une solide base pour définir les orientations majeures et les priorités à intégrer dans la Déclaration du forum. Les points convergents qu’ils ont soulignés ont porté sur :
- La définition des approches à promouvoir pour adresser les défis sécuritaires, qui ont acquis une dimension existentielle et engendrent des incidences multiformes affectant toutes les communautés rurales (délaissement des territoires pastoraux, affaiblissement de la dynamique structurelle de la mobilité du bétail, déplacements massifs forcés de populations, pression accrue sur les infrastructures et les services sociaux dans les zones d’accueil, etc.);
- La prise en charge de la question foncière aux échelles régionale en nationale dans un contexte d’aggravation des concurrences foncières et d’affaiblissement des systèmes de gouvernance, sources de montée des conflits entre les usagers des espaces ruraux ;
- La mise en place d’un cadre fédérateur en vue de construire la cohérence des interventions menées dans l’espace régional (Sahel et Golfe de Guinée), d’assurer un suivi efficace des réalisations et de soutenir le fonctionnement de l’Observatoire des systèmes d’élevage mobiles ;
- Le renforcement de l’investissement dans le domaine de la santé animale en prenant en considération les dimensions de la production des vaccins, du renforcement des ressources humaines, de la consolidation des capacités d’intervention des services techniques, etc.;
- La promotion de la production fourragère, en vue de sécuriser l’alimentation du bétail, de soutenir la dynamique d’amélioration de la productivité animale et d’intensification des productions, de maîtrise de la mobilité du bétail, etc.;
- L’exploitation optimale des technologies modernes pour adresser les défis de l’identification du bétail, du suivi de la mobilité des animaux (traçabilité des déplacements) et de la génération de données susceptibles d’orienter les processus décisionnels dans différents domaines (planification des investissements, suivi de la santé animale, lutte contre le vol du bétail, transparence du commerce du bétail, etc.) ;
- Le renforcement de la collaboration entre les différents systèmes d’élevage dont la rationalité s’impose dans différents écosystèmes, pour promouvoir des alliances gagnantes basées sur le partage des bénéfices découlant des échanges multiformes entre les acteurs ;
- La mobilisation de ressources financières alternatives en ayant recours aux sources de financement s’appuyant sur les budgets nationaux.
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