Le Comité technique « Foncier & Développement » a lancé en 2020 une étude sur les modalités de conversion des usages du sol dans les Suds en lien avec l’urbanisation. Sont analysées les différentes étapes du processus de conversion : changements de possesseurs, acquisition des droits fonciers, transactions, divisions parcellaires, valorisations par la construction, promotion immobilière (lotissements, projets immobiliers de différentes tailles, etc.) ou mises en friche (parcelles bornées qui restent non bâtis).
Les conversions de grande ampleur générées par les grands projets d’aménagement, les infrastructures, l’industrie et les activités extractives, ou les accaparements à grande échelle en milieu rural ont été largement examinées cette dernière décennie. En revanche, la manière dont les habitants, détenteurs de droits fonciers locaux, les acteurs économiques locaux, les élus locaux – en somme les acteurs ordinaires – acquièrent des parcelles et les détournent de leur usage antérieur dans une perspective de capitalisation, d’habitation ou de développement d’activités économiques n’est guère documentée. Pourtant, il s’agit d’une dynamique de grande ampleur, diversement orientée par les cadres règlementaires et les impulsions données par les acteurs publics, et qui reste mal identifiée.
Un webinaire a été organisé le 16 juin 2023 pour permettre de comprendre comment ces conversions s’accélèrent sous l’influence de différents facteurs : croissance urbaine à différentes échelles, mutations des normes juridiques locales d’accès à la terre en milieu rural, poussée des marchés fonciers ruraux et urbains, montée en puissance des acteurs privés et financiers dans la production foncière et immobilière, ainsi que l’aménagement urbain. Leurs effets sont majeurs : détérioration de l’environnement, creusement des inégalités socioéconomiques, pression sur l’agriculture familiale et stérilisation de sols fertiles, risques financiers à de nombreuses échelles, poids porté sur les autorités en matière d’infrastructures et de services. Il a permis de discuter des régulations nécessaires, pistes et principes pouvant guider l’action publique. Celles-ci reposent notamment sur l’amélioration de la participation citoyenne, la mise en place de mécanismes financiers et fiscaux permettant de partager la rente foncière liée aux conversions pour qu’elle contribue au financement du développement local, ou encore le soutien aux démarches de prospective territoriale et de planification.
Cette étude a fait l’objet de deux publications :
- Un ouvrage collectif présentant de manière synthétique les analyses : « Conversions ordinaires des usages des sols liées à l’urbanisation dans les Suds : Habitation, capitalisation, mutations de l’agriculture »
- Une compilation des études de cas réalisées, regroupées dans un numéro de Regards sur le foncier « Conversions ordinaires des usages des sols liées à l’urbanisation dans les Suds : Etudes de cas ».
Biographie des chercheurs impliqués dans cette étude :
Bérénice Bon (IRD, UMR CESSMA) : Géographe, Bérénice Bon travaille sur les dynamiques d’urbanisation dans les Suds. Ses principaux terrains sont au Kenya et en Inde, avec des mises en perspective en Afrique de l’Ouest, en Amérique Latine et en France. Ses analyses autour des marchés fonciers dans les fronts d’urbanisation, des placements de l’argent et du gouvernement des enjeux environnementaux contribuent à des réflexions plus générales sur les transformations du capitalisme et les formes urbaines qui en résultent.
Claire Simonneau (Laboratoire Techniques Territoires et Sociétés et UMR Géographie-cités) : Claire Simonneau est géographe-urbaniste. Ses recherches portent sur la production et la gestion des villes des Suds, observées à travers les pratiques d’appropriation du foncier et les dispositifs de leur régulation. A partir de terrains d’enquête en Afrique de l’Ouest (Bénin et Sénégal principalement), ses travaux contribuent à l’analyse des dynamiques foncières et immobilières populaires de l’urbanisation, et se penchent sur les alternatives à la propriété individuelle et aux acquisitions spéculatives, portées par des mobilisations sociales et des expérimentations sociales et juridiques locales.
Éric Denis (UMR Géographie-cités) : Eric Denis est docteur en géographie, directeur de recherche au CNRS. Ses travaux contribuent à l’analyse des dynamiques de peuplement et des systèmes de villes. Il conduit également des recherches sur les transformations socio-spatiales et les inégalités dans les métropoles en expansion rapide. Il accorde une attention particulière à la question de l’urbanisation subalterne ou in situ et des petites villes ainsi qu’à la question foncière – à la conversion du sol aux usages urbains et à sa marchandisation.
Philippe Lavigne Delville (IRD, UMR SENS) : Socio-anthropologue, spécialiste du foncier et des politiques et interventions de développement, Philippe Lavigne Delville travaille à une socio-anthropologie de l’action publique dans les pays ‘sous régime d’aide’. Ses recherches se concentrent sur les réformes des politiques foncières en Afrique de l’ouest depuis les années 1990 sous l’angle de leur formulation, de leur mise en œuvre et de leurs effets.
La modération du webinaire du 16 juin 2023 a été assurée par Alix Françoise, de la division recherche (AFD) et l’ouverture assurée par Sandra Rullière, responsable adjointe de la division Agriculture, Développement rural et Biodiversité (ARB/AFD)
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