Appui à la Plateforme Paysanne du Niger (PFPN) dans le dialogue politique sur le foncier
Depuis 2019, le Comité technique « Foncier et développement », présidé par le Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères et l’Agence Française de Développement appuie des réseaux d’acteurs stratégiques sur les réformes foncières dans 7 pays d’Afrique de l’Ouest (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Niger, Sénégal) et à Madagascar.
Après 20 ans de mise en œuvre des Politiques d’Orientations du Code Rural (POCR), les pressions foncières du Niger exacerbées par la forte croissance démographique, les effets du changement climatique et l’insécurité, menacent de près le développement rural du pays ainsi que la sécurité alimentaire d’une grande majorité de la population. A partir de 2018, suite à l’organisation des Etats généraux du foncier, un processus de concertation des différentes parties prenantes s’est engagé pour la mise en place d’une Politique Foncière Rurale au Niger (PFRN). Cette dernière pose comme vision à horizon 2035, de faire bénéficier les acteurs ruraux d’un accès équitable et sécurisé au foncier, contribuant à créer les conditions favorables au développement socio-économique, ainsi qu’au maintien de la paix (voir la Page pays Niger et .
Atelier sur la politique foncière au Niger
Cet atelier s’est tenu les 29 et 30 mars à Niamey au Niger et a rassemblé une soixantaine de participants issus de la société civile, du monde académique et de la recherche, des représentants des autorités locales et traditionnelles (maires et chefs coutumiers), d’institutions étatiques, des magistrats, des ONG et partenaires techniques financiers. Il a été organisé sous la coordination de la Plateforme Paysanne du Niger (PFPN) en collaboration avec un Comité ad hoc constitué d’autres OSC (APESS, CAPAN, Code Rural, RECA, ROPEN).
Cet atelier s’inscrit dans la dynamique de l’opérationnalisation du plan d’action de la politique foncière rurale (PFR) du Niger adoptée en septembre 2021. La PFR ouvre de multiples opportunités de dialogue multi-acteurs par ses orientations principales : réorganisation du cadre institutionnel et juridique, renforcement de l’efficacité de la sécurisation des droits fonciers légitimes des populations et opérateurs ruraux, amélioration de la gestion des domaines et ressources partagées et notamment pastorales et mise en place de dispositifs efficients et efficaces de régulations des marchés fonciers et des dynamiques foncières sources de conflits. Il a donné lieu à la rédaction d’actes.
Les échanges ont permis d’identifier trois axes prioritaires d’intervention : (i) Renforcer les membres du consortium en données et références pour une bonne contribution à la mise en œuvre de la PFRN ; (ii) Rendre dynamique la concertation entre acteurs de la société civile nigérienne sur le foncier ; (iii) Renforcer les capacités des responsables du consortium en matière de gestion des espaces de dialogue multi acteurs et d’analyse stratégique des questions foncières.
Les actions soutenues par le CTFD sont les suivantes.
La capitalisation de l’expérience du processus d’élaboration et de mise en œuvre du Schéma d’Aménagement Foncier (SAF) de la région de Dosso
Le SAF a pour vocation d’aider l’ensemble des utilisateurs ruraux à déterminer une base consensuelle d’utilisation des ressources naturelles rurales et ce, de manière juste, équitable et durable. Celui de Dosso a été établi en 2018 et constitue l’un des quatre premiers SAF mis en place. Il sert de ce fait de modèle pour d’autres régions du pays.
Les résultats de l’étude montrent que dans son processus d’élaboration, les acteurs à l’échelle villageoise et communale sont restés peu impliqués contrairement à ceux de l’échelle régionale. Ceci du fait d’un manque de vulgarisation du dispositif qui aurait pu permettre de rappeler à tous, son importance stratégique, sa portée juridique, politique, sociale et environnementale. Dans son processus de mise en œuvre, le SAF a également connu quelques blocages dont : (i) la production d’un document trop technique et inaccessible, notamment pour les populations locales, (ii) le manque de vulgarisation mais aussi d’engagement au préalable par les différents acteurs, y compris le gouvernement, pour accompagner la mise en œuvre du SAF, et (iii) le fait que les documents produits n’aient pas été largement diffusés au sein des collectivités territoriales malgré l’édition de 500 exemplaires.
Par ailleurs, des points forts méritent d’être soulignés : le SAF de Dosso est pionnier et montre un bel exemple de faisabilité d’un processus qui est parti de rien mais qui a fait preuve d’adaptabilité et de flexibilité dans la méthodologie et la capacité de mobilisation des acteurs locaux avec la mise en place du comité régional de concertation et d’orientation et d’une cellule technique régionale chargée de l’élaboration du SAF. Il a également permis l’organisation et l’animation des « jeudis du foncier » qui sont devenus le rendez-vous d’une réunion hebdomadaire régionale de concertation entre les acteurs. Il y a eu une sensibilisation des citoyens autour de leurs préoccupations quotidiennes au-delà de la chefferie traditionnelle qui était la seule à parler de foncier avec la participation des éleveurs et des agriculteurs même si les femmes et les transhumants ont été peu impliqués ou peu actifs dans les débats. Il faut noter également parmi les points forts, la mise en place d’un système d’information foncière et la contribution locale au financement du processus avec la décision des 44 collectivités territoriales de la région de contribuer à hauteur de 2% chacune de son budget d’investissement.
Un atelier de restitution de cette capitalisation aux acteurs de la région de Dosso a été réalisé ayant permis sa validation et l’établissement du rapport final.
Etude sur les dynamiques de la transhumance transfrontalière dans l’espace sous-régional ouest africain
Cette étude a été engagée pour : (i) documenter et analyser les textes juridiques régissant la transhumance transfrontalière dans l’espace ouest-africain (ii) analyser les défis et les enjeux spécifiques de la transhumance transfrontalière dans la sous-région ouest-africaine, (iii) analyser les dynamiques et les évolutions récentes constatées dans les pratiques de transhumance et en lien avec le contexte de crise sécuritaire, climatique et démographique, et (iv) tirer les enseignements pertinents et formuler des recommandations opérationnelles.
L’analyse souligne que le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad (hors CEDEAO mais dans le Sahel) ont mis en place des lois et réglementations en faveur de l’élevage pastoral et de la transhumance. Cependant, au niveau des pays côtiers membres de la CEDEAO (Côte d’ivoire, Bénin et Togo) qui sont des terres d’accueil de transhumants, les Etats ont mis en place des cadres plus restrictifs, ceci malgré leurs engagements aux décisions et règlements communautaires. Chaque Etat définit ses propres règles et cela crée de la confusion et d’énormes difficultés aux transhumants qui doivent s’adapter à chaque contexte. De plus, l’analyse montre que les textes régissant le pastoralisme et la transhumance ont été établis sans une réelle implication des communautés, en particulier celles des pays d’accueil. On note un réel décalage de perceptions entre les acteurs étatiques, qui conçoivent les textes à huit clos, et les catégories d’usagers des espaces pastoraux à l’échelle sous-régionale. A cela s’ajoute le fait que les textes établis deviennent de plus en plus éloignés de la réalité locale face à l’évolution rapide du contexte socio-environnemental sahélien notamment avec les mutations induites par les conflits ces dernières années.
En conséquence, les textes peinent à être réellement applicables. Une tendance vers un arrêt progressif des pratiques de transhumance transfrontalière s’installe du fait de plusieurs facteurs : (i) la détérioration des interactions sociales entre transhumants et communautés d’accueils (cas des éleveurs locaux au Mali – les Touaregs et Daoussawak) qui ne veulent plus voir des troupeaux de bétail sur leurs terroirs voire même les persécutent, (ii) l’insécurité (principalement au niveau de la zone des trois frontières) et, (iii) la volonté politique de certains pays d’accueil de mettre fin à la présence d’éleveurs étrangers sur leurs sols (cas du Bénin où la transhumance est désormais interdite). En effet, pour beaucoup de pasteurs, partir en transhumance transfrontalière ou même posséder des animaux en zone frontalière est devenu extrêmement périlleux, les obligeant à réduire leur mobilité et à rester à l’intérieur des pays où il y a un peu plus de sécurité.
L’étude a permis de dégager quelques recommandations à l’endroit des pays de départ, des acteurs régionaux, aux OSC et organisations paysannes. Une restitution de cette étude est prévue avec une diversité d’acteurs de l’élevage et de la transhumance avec la participation d’acteurs venant du Mali et du Burkina. Ce travail doit permettre le portage d’un plaidoyer fort pour l’amélioration des conditions de transhumance transfrontalière dans les différents pays de la CEDEAO et du Sahel de manière générale.
L’organisation de rencontres autour du foncier
Cela concerne principalement l’organisation de rencontres régulières en fonction de l’actualité du foncier, l’objectif étant de renforcer le membership au sein du consortium mais aussi de faciliter la construction de visions et positions communes et identifier des actions à mettre en œuvre ensemble pour améliorer le fonctionnement du consortium. Ces rencontres se sont tenues au travers du suivi des études qui donnent du contenu aux membres du consortium et qui leur permet de se voir et d’aborder différentes questions liées à leur contribution à la mise en œuvre de la politique foncière.
L’organisation d’échanges et débats en vue de renforcer l’efficacité et la qualité de l’implication de la société civile dans le dialogue politique
Il était prévu deux activités principales : (i) organiser 3 ateliers d’échanges-débats et de concertation pour collecter des propositions de réforme ; (ii) organiser une rencontre de bilan et d’auto-évaluation de la mise en œuvre du processus. Ces deux activités sont suspendues avec l’arrêt de l’APD française au Niger depuis le coup d’Etat de juillet 2023.
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