Rapport d'expertise

Etude des effets des évènements pluviométriques exceptionnels de 2024 dans la zone présaharienne des provinces de Tinghir et Zagora

Yessef Mohamed (IAV Hassan II), Saltani Zakaria, Dodier Hermann (FAI) | 2025 |
Etude des effets des évènements pluviométriques exceptionnels de 2024 dans la zone présaharienne des provinces de Tinghir et Zagora

Une régénération exceptionnelle des parcours pastoraux au Maroc

En septembre 2024, des pluies d’une intensité inégale ont frappé les régions du Sud marocain, notamment Zagora et Tagounite, avec plus de 200 millimètres de précipitations en trois jours. Si ces intempéries ont causé d’importants dommages matériels et des pertes humaines, elles ont aussi entraîné une repousse exceptionnelle de la végétation sur les parcours pastoraux. Une situation inédite qui a poussé les éleveurs à transhumer massivement vers ces territoires régénérés, rappelant ainsi des dynamiques similaires observées en France suite à des épisodes météorologiques extrêmes.

Face à ce phénomène, un collectif d’experts issus de l’Office Régional de Mise en Valeur Agricole de Ouarzazate (ORMVAO), de l’Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II (IAV), de l’Institut de Recherches et d’Applications des Méthodes de développement (IRAM) et de la Fédération des Alpages de l’Isère (FAI) a mené une analyse approfondie dans le cadre du programme Pastoreg.

Une étude résultant d’une expertise collective

Cette étude visait à comprendre les conséquences de ces événements climatiques sur les écosystèmes pastoraux et les stratégies d’adaptation des éleveurs. Trois axes principaux l’ont guidée :

  1. Documenter l’impact des précipitations exceptionnelles sur les parcours et les systèmes d’élevage : L’analyse a révélé une croissance significative de la végétation, bien que dominée par des espèces fourragères de qualité inégale, et des phénomènes d’érosion des sols.
  2. Explorer les stratégies adaptatives des éleveurs : Les entretiens menés ont mis en lumière des modes de gestion fondés sur la mobilité et la diversification des ressources fourragères, mais aussi des défis liés à la préservation des parcours.
  3. Identifier des voies d’accompagnement pour une gestion durable des espaces pastoraux : La mise en place de règles collectives et d’outils tels que les « chartes pastorales locales » pourrait structurer un dialogue renforcé entre éleveurs et autorités.

Vers une gouvernance adaptée des parcours

Les associations d’éleveurs interrogées, notamment à Mhamid et Tagounite, expriment une volonté croissante d’organisation collective pour préserver leurs espaces pastoraux face aux risques de surexploitation et à l’expansion des cultures irriguées. Cependant, la question de la mobilité des troupeaux reste peu prise en compte dans les discussions locales. Le cadre légal marocain, notamment la loi 113-13, prévoit pourtant des dispositions sur l’aménagement des espaces pastoraux, ainsi que la reconnaissance des organisations en charge de la gestion des parcours et de la transhumance, mais celles-ci sont encore peu appliquées.

L’épisode des pluies de 2024 met en évidence la fragilité des systèmes pastoraux face au changement climatique, mais aussi leur capacité de résilience. Il ouvre la voie à une réflexion plus large sur la gestion de ces territoires, conjuguant mobilité, conservation des ressources et adaptation aux aléas climatiques.